mardi 22 novembre 2011

Accès au dossier par l'avocat: le Conseil Constitutionnel valide la loi du 14 Avril 2011

Je pourrais être tenté de crier victoire. Mais non. Ce n'en est pas une. Seulement, pur une fois, depuis plusieurs mois, j'ai l'impression que notre procédure pénale ne recule pas. Et, en ces temps, c'est déjà ça.
Petit rappel: depuis maintenant quelques mois, les avocats peuvent assister aux auditions de leurs clients, lorsqu'ils sont placés en garde à vue. 
Non contents, éternels insatisfaits qu'ils sont, les avocats ont déposé (par le fiais d'une affaire bien précise) une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) demandant à ce que la loi soit modifiée. Objectif, avoir accès à l'intégralité du dossier, avant-même l'audition; en clair, l'enquête de Police. Egalement le fait d'être présent sur les perquisitions.
Deuxième objectif, être présent lors de ce que l'on appelle les "auditions libres"; concrètement, lorsqu'une personne est entendue (vraisemblablement suspecte), hors mesure de garde à vue, dans un commissariat.
Et c'est là une bonne partie du monde judiciaire qui était dans les starting-block, en ce 18 novembre, jour où le Conseil Constitutionnel avait annoncé rendre sa décision.
De leurs conclusions, deux possibilités: soit le Parlement se devait de retoquer le texte, soit il était jugé conforme à la Constitution, auquel cas l'affaire prenait la direction de Strasbourg, et la CEDH.
L'Alsace, c'est sympa, non? Surtout en hiver. Je conseillerai au défendeur du dossier le superbe marché de Noël, qu'il ne faut surtout pas manquer.
Vous l'avez compris, le Conseil Constitutionnel a estimé que la loi du 14 Avril 2011, modifiant le fonctionnement de la garde à vue, était conforme à la Constitution. Vous trouverez la décision ici.
Concernant l'accès au dossier: Les sages ont tout d'abord rappelé que la garde à vue était:
une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judicaire

Et ils justifient leur décision ainsi:

Mais les dispositions contestées du CPP n'ont pas pour objet de permettre la discussion de la légalité des actes d'enquête ou du bien-fondé des éléments de preuve rassemblés par les enquêteurs. Ces actes ou ces éléments ont vocation, le cas échéant, à être ultérieurement discutés devant les juridictions d'instruction ou de jugement. Elles n'ont pas davantage pour objet de permettre la discussion du bien-fondé de la mesure de garde à vue enfermée par la loi dans un délai de vingt-quatre heures renouvelable une fois.

Par dispositions contestées du CPP, comprenez " les auditions faites pendant la garde à vue". Concrètement, il est dit que la garde à vue n'a pas pour objet de discuter de ce que sont, ou pas, les pièces du dossier. Vraies, fausses... on distingue donc, et c'est là très important, l'interrogatoire qui est fait par un juge d'instruction, ou quelque autre magistrat, de l'audition faite en garde à vue. Et cela parait tout à fait logique. Si les droits d'un mis en cause étaient exactement les mêmes en garde à vue qu'en audition par un magistrat, quel serait l'intérêt de conserver les deux statuts? Il s'agit bien de deux phases bien distinctes l'une de l'autre. En garde à vue, les policiers en sont encore au stade de l'enquête, cherchant encore des éléments. A l'inverse, durant l'instruction, les éléments à disposition du magistrat sont bien plus complets. Et, à cet instant, l'avocat, qui a pris connaissance du dossier, peut confronter les éléments avec la version de son client.
Quand à l'argument qui dénoncerait le fait, pour un avocat, d'assister à des auditions sans même savoir de quoi il est question, je rappelle que, durant chaque garde à vue, il a un entretien de 30mn avec son client; et qu'il a alors tout le loisir de discuter des faits avec son client. Je rappelle que, à ce moment-là, le client a été informé de ce qui lui est reproché lors de la notification de son placement en garde à vue et des droits y afférant.
Bref, lorsqu'il assiste à l'audition, l'avocat sait (si tant est que son client lui ai dit la vérité) de quoi on va parler. Et il n'a pas vocation à connaitre, à cet instant, des éléments qui se trouvent dans le dossier.
Pour autant, s'il est attentif et ne dort pas, à l'écoute des questions posées, il doit pouvoir faire certaines déductions.

Concernant le second objet de cette QPC, en relation avec l'audition dite "libre", le Conseil Constitutionnel a rappelé :

... avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne saurait être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie
Il est clairement rappelé aux policiers et gendarmes que ces personnes entendues hors garde à vue, au cas où il existerait des raisons de penser qu'elles sont auteur des faits reprochés, il doit être expressément porté à la connaissance de l’intéressé (avec mention sur le procès-verbal d'audition) qu'elles peuvent quitter le service à tout moment. Ce qui, il faut le reconnaître, entraînera, fréquemment, à un placement en garde à vue, et application des droits qui s'y rapportent.

Pour conclure, je dirai "faites attention, Strasbourg, en hiver, est très froid; couvrez-vous".
Rendez-vous à la prochaine décision. Pour le moment, wait en see.

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